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רפאל שרייבר

Testimony
Aujourd'hui. 1er janvier 2020.
Nous recevons. au nom de Yad Vashem
le témoignage de Monsieur Schreiber Raphaël.
Natif d'Anvers. Belgique.
Né en 1929.
Son témoignage sera reçu par Dov Guedi.
Monsieur Schreiber. quel est votre premier souvenir de cette époque ?
De la guerre ? De la guerre.
L'origine de vos parents. par exemple ?
S'il vous plait ?
L'origine de mes parents c'est tout à fait autre chose.
Mon père est né aussi à Anvers.
Je connais le nom de la rue : Isabelle Halley .
Son père était de Galicie Ouest
où les gens n'étaient pas des 'Hassidim
mais ils parlaient l'allemand
comme à Cracovie.
Il est venu en Belgique. à peu près en 1880.
Je ne sais pas exactement quand.
Sa femme était de Francfort-sur-le-Main.
Sa femme. votre mère ou ?...
Ma grand mère.
Votre grand mère ? Donc. ça. ce sont les parents de mon père.
Je vous ai dit que mon grand père avait des ancêtres
de Boskowitz. en Moravie.
Et je suppose qu'au temps de Marie-Thérèse.
il y avait une loi qui empêchait les Juifs de se marier.
ou de se marier avant un certain âge.
Alors. il a passé la frontière.
Il est allé à Alvernia. en Galicie.
Et. c'est là que mon grand père est né...
paternel. Ma mère est née à Buttenwiesen. en Bavière. Allemagne.
Elle a grandi à
Francfort-sur-le-Main.
Mon grand père maternel avait comme mère
une Rosalie Tedesco d'origine de Paris.
Et mes grands parents maternels ont vécu.
après la naissance de ma mère.
à Francfort-sur-le-Main.
On peut remonter plus loin.
Il y a des ancêtres : Venise. Paris. etc.
Non ! Non ! Votre père et votre mère ?
Voilà. Mon père est mort de maladie en 1939.
Quand mon jeune frère. le plus jeune. avait 6 semaines.
Ce qui fait que ma mère est restée seule avec quatre enfants.
Il y avait aussi chez nous. ses parents.
les parents de ma mère : Zinger.
Il y avait aussi un cousin et une cousine
qui étaient les enfants du frère de ma mère
que ma mère a fait venir.
probablement c'était en 35.
d'Allemagne. Avec mes grands parents.
Peut-être pas au même moment. Cette cousine a eu un problème de dos.
Elle était longtemps à l'hôpital.
Et son frère. mon cousin Raphaël Zinger.
il allait à l'école professionnelle.
Votre père. avant son décès ?
Que faisait-il. comme métier ? Il était associé avec son frère.
mon oncle Gustave Schreiber.
Il n'était pas dans le diamant.
Ils étaient commerçants.
Ils importaient du jute et du chanvre.
Le jute servait à faire des sacs. pour autant que je sache.
et le chanvre pour faire des cordes.
Ils avaient des clients en Belgique.
Ils avaient des clients en France. aussi.
Et votre mère ? Et ma mère. elle élevait les quatre enfants.
Et lorsque vous venez de dire que cette nombreuse famille ?
Vous aviez une tante. ?
Vous aviez des grands parents qui habitaient ?...
Quelle était l'envergure de votre appartement ?
On habitait d'abord Vendimek Strass 65. dans une maison.
Combien de pièces ? Oh. vous me demandez beaucoup !
C'est toute une maison où il y a un rez-de-chaussée.
premier étage. deuxième étage
et une mansarde. Il y avait de la place.
Il y avait un jardin. Au début. mes grands parents.
les parents de ma mère. n'habitaient pas avec nous.
Ce n'est que quand mon père est mort.
En
face de là où nous habitions il y avait une "Mikva" de la "Shomre Hadaat". Je vous ai
dit. à la mort de mon père.
ma mère est devenue. donc. veuve.
Elle a obtenu un job dans la "Mikva" de la "Shomre Hadaas".
Et alors. nous avons déménagé.
C'était en face. Mes grands parents.
les parents de ma mère. habitaient au rez- de-chaussée.
Nous habitions au premier.
Et. en haut. il y avait le concierge. non-juif.
un certain Monsieur Kromvouts qui habitait en haut.
De quel fond familial vous veniez ?
C'est à dire étiez-vous laïcs ?
Religieux ?
On était religieux. Ma grand mère maternelle portait une perruque.
Mon père avait la barbe.
Je ne sais pas si c'est une norme religieuse .
Mais parce que. dans le temps.
beaucoup de gens portaient une barbe.
Mon oncle aussi. On était cent-pour-cent "Shomer Torah et Mitsvot".
Vous vous souvenez de votre première enfance ?
Dans votre famille ?
Certaines choses.
Les Fêtes ? Le Shabbat ?
Vous pouvez le décrire ? S'il vous plait ?
On s'est une fois fâché à la synagogue.
Parce que j'étais peut être un peu trop turbulent.
Je ne sais pas. Non. mais je parle de tradition à la maison ?
Du shabbat ?
De l'allumage des bougies ? Des fêtes de Pessah ?
Oui. il y a quelque chose.
Après la guerre. j'ai été frappé que dans la synagogue.
il y avait très peu de gens qui avaient le Loulav.
Alors qu'avant la guerre. à la Heisenman. où j'ai prié.
chacun avait son Loulav.
Il y avait pour chacun une espèce de pyramide
où on mettait son Loulav au mur. le long du mur.
Après la guerre. les gens n'étaient pas habitués.
ceux qui venaient de Hongrie. de Pologne.
avoir un Loulav chacun.
Avant la guerre. oui.
Donc. comment se passait ?... Vous vous souvenez du Shabbat à la maison ?
Non. pas particulièrement. parce que c'était rien de spécial.
Un jour...
Faisiez vous attention au jour du Shabbat ?
Oui. oui !
Je n'allumais pas la lumière.
Je ne déchirais pas.
Je n'écrivais pas. Alors on faisait quoi toute la journée ?
On jouait.
Comme gamin. on jouait.
On lisait. Mais dans la pénombre ?
Dès que la nuit était tombée. ça se passait comment ?
Il y avait de la lumière. comme aujourd'hui.
C'est-a-dire vous laissiez ?...
Il y avait l'électricité.
On avait une montre qui coupait la lumière plus tard.
assez tard pour qu'on puisse terminer.
Mais vous n'employiez pas de "Goy du Shabbat". par exemple
Comment ?
Vous n'aviez pas de "Goy du Shabbat" ?
Si. Shabbat matin. il y avait quelqu'un.
Parce que le feu était au charbon. c'était éteint.
Il y avait quelqu'un qui venait allumer.
Et on le récompensait de quelle façon?
Comment ? On le récompensait de quelle façon ?
Incapable de vous dire.
Quand j'étais petit. semble-t-il.
que je me posais pas beaucoup de questions.
Donc. vous alliez. le Shabbat ?...
Enfin. vous alliez en classe ?
Ah oui. à l'école juive. à la Tachkemoni
où mes parents préféraient de m'envoyer.
plutôt qu'à une école un peu plus religieuse.
La Tachkemoni était.
du point de vue religieux.
en ordre. Les camarades de classe étaient quelques religieux.
et d'autres que l'on nomme aujourd'hui traditionnels.
Le Shabbat après midi.
j'allais au parc jouer avec des camarades.
Vous avez demandé ce que je faisais le shabbat ?
Voilà ! La Tachkemoni on parlait l'hébreu ?
Dans les leçons d'Hébreu.
Il fallait même parler au parc quand on jouait. le dimanche.
ou le Shabbat. il fallait parler l'Hébreu.
Pour le reste. c'était une école comme une autre.
Donc. quand vous n'alliez pas le Shabbat à l'école ?
Donc. vous étiez dans le parc. parce que c'était une école juive ?
Quelle langue parliez-vous à la maison ?
Le français.
Et de quelle façon vos parents ont-ils appris cette langue ?
Mon père a appris le français parce que c'était.
chez les bourgeois.
bien vu de parler le français.
après la Première Guerre mondiale.
Avant la Première Guerre mondiale.
mon père allait dans une école allemande. rue Geulincx.
dont j'ai encore un atlas en allemand.
Mais après la Première Guerre mondiale.
on ne voulait pas parler l'allemand. mais le français.
Comme en Israël. on ne voulait pas parler l'anglais.
après la création de l'Etat.
Donc. le fait de vivre en vase clos ?
Vous venez d'une famille religieuse ?
Vous fréquentiez une école juive ?
Comment ont été vos relations. en tant qu'enfant.
ainsi que ceux de vos parents. vis à vis de l'extérieur ?
C'est à dire des "Goys" qui vivaient ?...
Sans problèmes. Pas de problème.
Vous n'avez jamais rencontré d'antisémitisme ?
Des mots par-ci ? Des mots par-là ?
Je ne me rappelle pas. On mangeait Casher. évidement. à la maison ?
Oui. Comment se passait ?... Y avait-il dans votre quartier des boucheries ?
Il y avait tout.
Dans le quartier il y avait tout :
épiceries. boulangeries. boulangers.
Pouvait on reconnaître qui était Juifs. qui n'était pas Juif ?
Oui. De quelle façon ?
Avaient-ils un port de l'habit ?
Une casquette ?
Oui. j'avais un béret.
Pour autant que je me rappelle. j'avais un béret.
Toujours un béret.
Vos parents parlaient-ils entre eux. quelle langue ?
Alors voilà.
Comme ma mère était d'Allemagne
et que mes parents voulaient parler entre eux.
et que je ne comprenais pas.
comme Pinocchio. mes oreilles ont grandi et j'ai appris comme ça
les premiers mots d'allemand.
Et je parlais l'allemand aussi avec les parents de ma mère
quand ils sont venus d'Allemagne.
Ils sont venus d'Allemagne. je crois. en 34.
Votre famille se composait de combien de personnes ?
Ma mère. mon père et. à la fin. quatre enfants.
Quand nous avions des invités. il y avait de la place.
Je me rappelle de deux enfants d'un cousin de ma mère.
d'un cousin de mon père.
Ma mère est allée. l'hiver 38-39 à Nuremberg.
chercher ce cousin de mon père avec sa femme
qui avait une fabrique de jouets.
et il ne voulaient pas partir.
et ma mère a dû le convaincre de partir de Nuremberg.
d'Allemagne. parce qu'on savait en Belgique et en Suisse. mieux.
qu'est-ce qui se passait en Allemagne.
que les Juifs qui étaient en Allemagne.
Surtout à Nuremberg.
Ils ne se rendaient pas compte.
A ce point ?
Et ma mère a donc pris leurs enfants.
sur les passeports de mon frère et de ma sœur.
dans un train de nuit.
Elle a donné tous les papiers avec 10 marks
au type qui s'occupait du wagon lit.
et elle a dit : "Laissez-moi dormir".
C'est comme ça qu'ils sont sortis et sont venus chez nous.
Donc. il y avait de la place. dans la maison.
A partir de quel moment. lorsque la guerre est déclarée ?...
D'abord. lisiez-vous. à la maison. un journal ?
Moi. je ne me rappelle pas.
Y avait il un journal à la maison ?
On parlait politique ?
Vous aviez la radio ? Ce dont je me rappelle.
c'est que quand il y avait la guerre Russie-Finlande.
on distribuait des crayons que l'on vendait
pour aider la Finlande.
Vous me demandez un souvenir ?
Voilà ! Je vendais des crayons pour aider la Finlande.
Vous preniez d'où ces crayons ?
Je ne me rappelle pas. Qui les distribuait ?
Je ne sais pas. Lorsque la guerre a éclaté ?
Lorsqu'il y a eu l'occupation allemande en 1940 ?
De quelle façon l'avez-vous appris ?
Je vous dis de suite.
Mais je veux ouvrir d'abord une parenthèse.
La guerre contre la Pologne a commencé le 1er septembre 39.
La France s'y est mis le 4 septembre.
Et mon oncle. le frère de mon père.
pensant qu'il va se passer la même chose
qu'à la Première Guerre mondiale.
a envoyé sa femme et ses enfants à Vichy.
Il faisait la navette toutes les deux semaines.
parce qu'il travaillait encore à Anvers.
Et il voulait aussi que ma mère fasse la même chose.
Et ma mère avait un visa pour la France.
Seulement. à ce moment là. mon frère est tombé malade.
Pas le plus jeune...
Et le visa a été périmé.
Ce qui fait que nous sommes restés en Belgique jusqu'au 10 mai.
Le 10 mai. je me rappelle. à 6 heures le matin.
je suis allé avec le concierge. Kromvouts. sur le toit.
Et j'ai vu. au loin...
Les avions. je peux pas dire que je m'en rappelle. mais j'ai vu les explosions de
fumée du côté du port.
Et puis je suis redescendu et je me suis habillé.
Je suis allé à l'école et je suis revenu à la maison.
"Houra !" "On a pas classe !".
Parce que les profs étaient mobilisés.
Vous me demandez le 10 mai ?
Je me rappelle aussi.
le Shabbes suivant. 11 mai.
Je suis allé apporter à manger à ma cousine
qui était à l'hôpital Stuivenberg.
Et en passant j'ai vu des longues files de gens
qui étaient de nationalité allemande.
Puisque la guerre a éclaté. ils devaient se présenter.
ils devaient prendre le train.
et on les. a plus tard. amenés à Gurs ou à Saint-Cyprien.
je ne sais pas.
Mais je me rappelle cette file d'attente.
C'étaient des Juifs ?
Théoriquement. tout le monde.
tous les Autrichiens et Allemands devaient se présenter.
Mais y a t il eu une différence entre ?...
Je ne me rappelle pas.
Vous parliez de Gurs. donc vous saviez que c'étaient des Juifs ?
Les vrais Allemands espions n'y étaient pas dans cette colonne.
Y avait il une forme d'exode ?
Attendez !
Attendez !
Je parle de Shabbat. Dimanche. mon oncle est venu.
Il a dit à ma mère. Il a loué un taxi.
Nous partons.
J'ai accompagné mon oncle. d'abord. à une caserne.
où il a déposé son sac avec tout son barda de soldat.
On est allés chez lui.
Là où il habitait: Sernburg Straat.
Et il est revenu.
Entre temps. ma mère a emballé ce qu'on pouvait emballer.
Et. ma mère. et nous quatre enfants.
on s'est installé avec mon oncle dans un taxi.
et nous avons roulé jusqu'à la frontière française : Mouscron.
Le village s'appelle Mouscron.
Et à Mouscron. il y avait une foule énorme.
Et beaucoup de gens.
Pas des Juifs.
Des non-Juifs. Plus tard. j'ai compris pourquoi.
C'est qu'à la Première Guerre mondiale.
les Allemands se sont pas bien conduits.
il y a eu des crimes.
J'ai appris ça beaucoup plus tard.
À Tamines. ils ont cru que le public. les civils.
tiraient sur les Allemands.
Ils ont pris quelque 600 personnes. je crois.
et ils ont tiré.
Ils les ont jeté dans la Meuse ou dans la Sambre.
Vous parlez de la Première Guerre mondiale ?
Oui. Et c'est pour ça : beaucoup de gens.
Le consul. dimanche. le consul de France. était à la pêche.
et les gens hurlaient que c'est une honte !
On a pas laissé entrer.
J'ai dormi sur un billard avec mon oncle.
A Mouscron ?
A Mouscron.
Mon oncle n'a pas dormi. Moi j'ai très bien dormi.
Un gamin !
Le lendemain. la France a ouvert ses portes
et tout le monde pouvait entrer sans contrôle .
Et on est monté dans un train.
Le train était plein de réfugiés belges.
Et au bout de deux jours. le train est arrivé à Le Mans.
Il y avait beaucoup d'arrêts :
soit des troupes. soit des armées ou des civils qui bloquaient...
Je ne sais pas.
A Le Mans. comme mon oncle avait sa famille à Vichy.
il a voulu sortir.
Nous n'avions pas d'intérêt à aller dans le midi de la France.
Alors. il a dit qu'il a des relations d'affaires à Le Mans.
et veut sortir. Et c'est comme ça que nous sommes sortis du train.
Lui. ma mère et nous.
On a pris un taxi.
Et on est allés... je ne sais pas : moitié taxi ou tout à fait taxi ?
Moitié taxi. moitié train ?
On est allés à Vichy. Je me rappelle de la verdure. des vignes.
C'était nouveau pour moi.
Comme ça. on est arrivé à Vichy.
Vous êtes arrivé chez qui ? Probablement que ma tante avait déjà loué u
n appartement. Vous alliez faire quoi ?
Pendant combien de temps ?
Moi. j'allais. de suite. à l'école.
Et vous aviez gardé votre nom ?
Oui.
Lorsque vous dites que vous êtes allés immédiatement en classe ?
Oui. C'est-à-dire qu'on avait déjà organisé. de la part de votre tante ?...
Comment ça se passait ? Je ne sais pas.
Mais. vous êtes resté combien de temps à Vichy ?
Un instant !
Quand la Belgique a demandé l'armistice.
il y a un gamin qui m'a apostrophé de...
j'sais pas... "sale Belge !" ...
ou bien "traître !" ...
ou quoi. Alors j'ai commencé à pleurer.
Et le prof a demandé pourquoi je pleure.
D'abord. je ne voulais pas dire.
Après j'ai dit.
Alors le pauvre garçon. il a dû se mettre à genoux sur une règle
et me demander pardon.
J'étais certainement plus gêné que lui.
Je ne savais pas où me mettre.
Ensuite les Allemands ont progressé.
Et mon oncle est venu.
"Il y a un train !
On va prendre le train !". C'est à dire que vous avez quitté Vichy ?
Non. On était à Vichy.
"Prendre un train" pour où ?
Pour quel endroit ? Pour quelle destination ?
Le Sud !
Le Sud de la France ? On était à la gare. à Vichy.
Il y a eu un train bâché.
Probablement il y avait des tanks ou des canons
ou autre chose qui passait.
Mais pas de train pour des réfugiés.
Mon oncle est reparti.
Il revient : il a une auto et un chauffeur.
Et dans cette auto. on s'est mis devant.
Il y avait le conducteur qui s'appelait Alz....
Bon. je m'en rappellerai.
Il y avait mon oncle.
Il y avait mon cousin sur les genoux de mon oncle.
Mon cousin sur les genoux de mon oncle. et moi.
j'étais entre les deux
parce que j'étais maigre et mon cousin était plus rembourré.
Donc ça faisait moins mal à mon oncle
quand le cousin était assis sur ses genoux.
Et mon job était.
parce que c'était une vieille bagnole. je devais tenir le changement de vitesse.
parce que sinon il sautait sur le 0.
Et comme la batterie ne fonctionnait pas bien :
Allume-éteins ! Allume-éteins ! Bon !
Et derrière. il y avait ma mère. ma tante.
la bonne de ma tante et six enfants.
Il y avait 13 âmes dans cette auto.
Et sur le toit. arrimées. les valises de la famille.
On a quitté la gare.
De Vichy ?
De Vichy.
Sous une pluie battante.
Et au premier tournant. toutes les valises sont tombées par terre.
On les a remises.
On continue.
On traverse le pont.
À peine traversé le pont de l'Allier.
en direction de Clermont-Ferrand
On est arrivé au bout de deux jours à Millau.
On a à peine passé le pont.
on a entendu un grand bruit.
On a pensé qu'on a fait sauter le pont.
Ce n'était pas vrai.
Et puis on est arrivé à Clermont-Ferrand.
où beaucoup de gens ont aidé.
Il y a un prêtre qui est venu apporter de l'eau chaude
pour que ma mère puisse laver le bébé
qui n'avait pas encore un an.
Tout juste un an. et...
L'autorité militaire a dit :
"On va rester ici. se battre jusqu'au dernier homme".
Alors. ma tante est allé voir...
je ne sais pas... le Colonel ou qui ?
Et le supplier :
"Qu'est ce qu'il va faire avec huit petits enfants ?"
J'étais le plus âgé. Elle a obtenu la permission de quitter Clermont-Ferrand.
et de continuer vers le Sud.
Comme ça nous avons atteint Millau.
A Millau. nous sommes restés trois semaines.
Entre temps. il y a eu l'armistice.
De Gaulle. j'ai pas entendu à l'époque.
Et mon oncle a chanté vendredi soir les Zemirot dans l'hôtel
et ma tante l'a supplié de faire ça à voix basse
pour que les gens ne croient pas que nous soyons content
que la France ait perdu la guerre.
C'est à dire. à aucun moment vous n'avez eu
de frayeur d'être Juif. par exemple ?
Non. Vous n'avez pas senti ce problème ?
Non. À ce moment là. non !
A Millau. par exemple ?
A Millau. non.
A Millau. on est allés...
Mon oncle m'a invité à visiter les Gorges du Tarn et de l'Aveyron
et nous avons visité la grotte de l'Aven Armand
dont j'avais un très bon souvenir.
Et on se nourrissait de quelle façon ?
On se nourrissait de quelle façon dans ces moments-là ?
Mon oncle avait de l'argent.
Mais. trouver de la nourriture Casher ? C'était une gageure ?
Non !
On a du pain. du beurre.
N'oubliez pas que dans le temps. le pain était du pain.
Aujourd'hui. il y a des améliorants de toutes sortes.
de la graisse. ce qui fait que des fois il y a des problèmes.
Vous mangiez de pain ? Du pain. du beurre. des œufs. des sardines en boîte.
des fruits et des légumes.
Ce n'est pas un grand problème.
Et nous sommes retournés à Vichy.
mais alors là. pas plein comme on est partis.
Une partie est retournée en train.
Une partie est retournée en auto.
Moi. j'ai pu retourner en auto.
A Vichy. on était dans un hôtel.
Je ne me rappelle plus pourquoi ?
Il y avait du beurre rance. ça. je me rappelle.
Un hôtel où on a logé. seulement.
C'est à dire ? Quelles ont été les raisons d'être revenu à Vichy ?
Parce qu'on a quitté Vichy avec quelques valises.
Mais on avait des casseroles. des lits. à Vichy.
C'était uniquement à cause du matériel ?
Ou alors. vous ne pouviez plus avancer ?
On pouvait avancer.
Mais on avait nos biens.
si je peux dire. ce qu'on avait à Vichy.
A Vichy. je me rappelle... Et pourquoi donc. avez-vous quitté Vichy au départ ?
Je vous explique ! Vous êtes impatient !
Ce que je me rappelle de Vichy.
c'est qu'on faisait la queue pour avoir du chocolat...
Parce que bientôt. il n'y en aura plus...
du sucre. J'aimais pêcher.
Je nageais très bien.
Je pêchais à l'Allier.
Je n'attrapais jamais rien.
Alors je n'ai rien emmené.
Et un jour. j'ai pêché trois poissons. des petits.
Où est-ce que j'allais les mettre ?
Je les ai mis dans une chaussette.
Mais voilà. la chaussette. elle avait un trou.
Arrivé à la maison. je n'avais plus de poisson.
Je me rappelle que j'étais en train de pêcher .
Y'a une dame. sur un pont. tout près :
"Au secours ! Y'a mon fils qui se noie !"
Je vois un gamin. Il y avait un petit tourbillon.
C'était pas grave. Alors. je suis allé et je l'ai ramené à la rive.
Et la femme. la maman. probablement. s'est jetée sur son fils.
Elle ne m'a même pas adressé un merci.
Et puis. il y a eu une loi. un règlement.
Il y avait le gouvernement de Vichy.
Que tous les étrangers. quels qu'ils soient. doivent quitter Vichy.
Alors mon oncle. il est allé à Bandol.
A Marseille. il y avait un consulat américain.
Il ne voulait pas habiter dans une grande ville
mais voulait être pas trop loin d'une grande ville.
Il a choisi Bandol.
Et c'est comme ça que nous sommes aussi allés à Bandol.
Mon oncle a pu aller en Amérique.
parce que lui et sa femme sont nés en Belgique
qui n'était pas un pays ennemi
mais ma mère est née en Bavière. pays ennemi.
Ma mère n'a jamais pu obtenir
la permission d'aller aux Etats-Unis.
Mon oncle et sa famille. ils ont quitté Bandol
En... Je dis 41. mais ce n'est pas sûr.
Ma Bar Mitsva. en été 42. il n'était plus là.
Il y a eu d'autres gens qui sont aussi partis .
Ils sont partis par l'Espagne. le Portugal. en général.
Donc vous êtes resté à Bandol ?
Nous. on est resté à Bandol.
Combien de temps ?
1er décembre 42.
C'est-a-dire deux ans ?
J'allais d'abord à l'école communale.
On m'a mis deux classes plus bas
parce qu'un Belge ne connaît pas bien le français.
Et puis je suis allé dans une école privée.
Pourquoi ? Je ne sais pas.
L'école s'appelait "Les oiseaux".
Et puis. entre gamins. alors. il y avait des "libre-penseur".
Vous avez compris ce que c'est ?
Moi. j'ai dit :"Je suis Juif".
Eux. ils étaient "libre-penseur".
Mais on pouvait dire sans crainte ?...
Sans crainte !
Parce que vous ne saviez pas quelle était l'essence même
de dire "J'étais Juif". à ce moment-là.
Sans problème.
Sans problème. C'est-à-dire qu'à aucun moment vous n'avez ressenti.
vous. ou votre ?...
Je peux parler ? Laissez-moi parler !
S'il vous plait.
Anecdote.
Il y avait une Madame. prof de...
musique. je crois. et d'astronomie.
La musique. moi je n'aimais pas.
les autres non plus. probablement.
Donc j'ai appris beaucoup d'astronomie chez-elle.
Je n'aimais pas tellement le français.
Pourquoi ? Il y a tellement d'exceptions en français : "PH". "F". etc.
J'ai eu un prof.
Je me rappelle son nom : De Lupé.
Et il m'a expliqué :
"Parce que le français. il a comme origine le latin et le grec".
Et il explique pourquoi certains mots
s'écrivent comme ceci ou comme cela.
Un "s" qui manque est remplacé par un accent sur le "e". etc.
Ca c'est une anecdote.
Je reviens à Bandol.
A Bandol. nous habitions dans une villa.
En bas. il y avait la propriétaire. Madame Domat.
qui admirait beaucoup les Allemands.
Elle était lingère. elle lavait le linge et le repassait.
Nous habitions au-dessus.
Ma mère. nous quatre et mes grands parents.
Moi. je dormais dans la cave.
à côté de là où Madame Domat travaillait.
Et comme elle ne parlait que le français.
je disais que j'étais Alsacien.
alors elle m'appelait assez souvent :
"Raphy. descends un petit peu. les soldats allemands..."
Simple question : pourquoi. de Belge. que vous étiez
enfin. d'origine.
vous avez dit : "Je suis Alsacien" ?
Je ne sais pas. Mais ce que je sais.
Que les Français ne sont pas fort en géographie.
Mais quand vous dites "j'étais Alsacien" ?
Parce qu'on vous a demandé "d'où venez-vous" ?
J'ai raconté aux soldats allemands
qui venaient chez la Madame Domat.
pour avoir une chemise propre. pour sortir.
eux ne parlaient que l'allemand. alors m'appelait.
quand j'étais en haut : "Descends un petit peu".
Et c'est moi qui traduisait
de l'allemand en français et vice versa.
Aucun Allemand n'a émis un mot sur d'où je viens ?
Qui suis-je ? Rien !
Ce que je me rappelle très bien
que les Allemands. entre eux. ils parlaient de la guerre :
"C'est trois fois rien ! C'est une promenade !"
Ils avaient pris la Yougoslavie. la Grèce.
la France. d'abord. la France. etc.
Et. après l'hiver 41. je parle 41-42.
les soldats qui venaient faire laver leur chemise
chez Madame Domat.
quand ils parlaient entre eux. et bien. la guerre.
ce n'est pas de la rigolade.
Vous n'aviez pas une crainte ?
Du fait que cette lingère.
étant sympathisante des Allemands. puisse ?...
Attendez.
Non. mais je vous mets en condition. Attentez ! Maintenant. je reviens en 42.
On a fait Minyan chez nous.
S'il vous plait ? On a fait un Minyan : 10 personnes. 10 Juifs.
Et on s'arrangeait de ne pas venir
tout le monde au même moment.
Et Madame Domat demande :
"Mais. qu'est ce que c'est ?" "Tout ce monde qui vient chez vous ?"
"Eh bien. c'est des amis.
On vient bavarder".
Vous me demandez ? Je vous réponds !
Et à l'époque. je n'ai pas compris
que ces soldats Allemands qui revenaient de Russie.
ils ont fait une autre espèce de guerre en Russie
que Hollande. France. etc.
Et ce n'est que plus tard que j'ai compris
pourquoi ils ont changé de ton
quand ils parlaient entre eux.
D'abord. c'était la guerre fraîche et joyeuse.
Et maintenant : "c'est pas de la rigolade".
Oui. mais la question qui s'impose c'est le fait que...
Vous aviez-vous compris que. être juif. c'était un danger ?
Pas à ce moment là.
Mais. même lorsque ?...
Je savais que... Madame. la sympathisante. votre lingère ?...
Nom... Vous n'aviez crainte qu'elle vous dénonce. par exemple ?
Non !
Moi pas. Mais. vos parents ?
Ma mère ?
Non ! Mon grand père. il avait une barbe.
il sortait avec une Kippa.
Sans que personne ne lui dise quoi que ce soit ?
Personne n'a rien dit.
Vous fréquentez d'autres Juifs ?
Oui. Vous alliez à l'école ? Oui. j'allais à l'école et je fréquentais...
Vous alliez avec votre béret ?
Oui. j'avais toujours... en cas. j'enlevais le béret. A Tachkemoni. à Anvers. aussi.
Dans les cours profanes. on enlevait le béret.
Oui. mais. dans ces conditions.
Le fait d'enlever votre béret. ça. vous découvrait ?
Vous n'étiez pas couverts par une Kippa ?
On n'est pas obligé d'être couvert.
Ce n'est qu'un Minhag.
Ce n'est pas une loi juive.
Donc. le fait de...
Vous alliez donc à l'école ?
Oui.
Et comment se passe ? Comme on avait beaucoup de temps aux heures de midi.
entre onze heures et demie et deux heures.
je suivais un cours chez un Monsieur Aptroth.
J'allais. j'apprenais : Dikdouk. Mishnayot.
Kitsour Shoul'han Harou'h. 'Houmach.
Et c'est en allant chez lui
que je passais devant le labo des frères Lumière.
Cependant. cette promenade. qui n'en est pas ?...
Cette promenade que vous racontiez ?...
D'abord vous avez dit ?...
D'abord. quand on fait la prière ?
Vous avez fait un Minyan ?
Alors que c'est. peut être. un grand danger ?
Deuxièmement. vous avez dit...
Je répète ma question :
comment vous est venu le fait de dire "je suis Alsacien"
alors que vous étiez Belge ?
Pour expliquer aux Allemands d'où je connais l'Allemand !
En Belgique on le parle aussi. Non.
Il y a un petit coin en Belgique où on parle allemand.
Mais en Belgique. on parle le français.
A Anvers. français et néerlandais.
Mais on peut avoir appris l'allemand à l'école. Comme ça se faisait à ce moment-là
? Non.
Après la Première Guerre mondiale.
c'était mal vu de parler l'allemand.
Si jamais les Allemands vous avaient dit :
"De quel pays ? De quelle ville d'Alsace ?"
Qu'auriez vous dit à ce moment-là ?
Je ne sais pas. Parce que les Alsaciens ont été plus ou moins expulsés ?
Oui. Et il y avait danger à dire. étant Alsacien.
s'il y avait d'autres personnes qui sont Alsaciennes.
qui pouvaient être enrôlés dans les forces allemandes.
Je ne sais pas.
C'est-à-dire : ça vous est venu comme ça ?
Aviez-vous des copains. par exemple. à ce moment-là ?
Comment ?
Aviez-vous des amis ?
Mes cousins. cousines.
On allait à la Schoule également ? On faisait un Minyan. des fois chez l'un. chez l'autre.
Je me rappelle chez le Monsieur Aptroth où j'allais apprendre.
qui habitait tout à fait au bout d'une corniche élevée.
Il y avait un Minyan.
Il y avait même un rabbin. Netter. qui venait de Sanary.
le Yom Tov. Sim'ha Torah.
En disant que c'est une plus grande Mitsvah de prier en commun
que la Avera de prendre un bus
pour venir de Sanary à Bandol.
Il voulait même prier comme officiant.
Et mon grand père a refusé.
Il ne veut pas quelqu'un qui soit Me'halel Yom Tov
tienne la dragée haute.
Alors. il a dit : "Raphy. prends ton Talith et viens".
Et je suis parti avec mon grand-père.
On n'est pas restés au Minyan.
Il y avait des gens qui ne portaient pas le Shabbat.
alors ils avaient des dollars.
cousus dans la doublure de leur veste. par exemple.
Ca. je me rappelle.
Il y avait des gens de Leipzig : Heppner.
Il y avait...
comment il s'appelle ?... Il habitait à Anvers ?...
plus tard.
Il y avait pas mal de Juifs.
Mais. au moment où. moi. j'avais ma Bar Mitsva...
Vous avez fait votre Bar Mitsva ?
Oui. j'ai fait ma Bar Mitsva.
De quelle façon ?
C'était la dernière fois qu'il y avait un Minyan.
En quelle année ?
En 42 vous avez fait votre Bar Mitsva ?
L'été 42. À Bandol ?
À Bandol. Comment ça se passe ?
Et bien. quelqu'un a envoyé des œufs.
Quelqu'un a envoyé des œufs durs.
Je crois que c'était durs. Non. ils étaient pas durs puisque ma mère a fait un gâteau.
Alors. moi. j'ai pu avoir le fond du gâteau
qui n'était pas réussi
parce que j'avais une faim terrible.
J'avais toujours très faim. La nourriture de Bandol était comme à Vichy ?
C'est-à-dire : du pain ?... Non.
Non.
À Bandol. il y avait des garçons de mon âge
qui n'avaient jamais vu une vache.
Il n'y a pas de vache là-bas.
Il y a des olives. des figues. des plantes qui font...
des narcisses. etc..
des mimosas.
Mais à manger. très peu.
J'avais un vélo pour aller à Sanary. aux "Oiseaux".
et deux porte-bagages.
Le dimanche et le jeudi.
on n'allait pas à l'école non plus.
je faisais le tour des paysans. assez loin. des fois.
J'achetais de tout : des raisins. des tomates.
des carottes. des petits pois. des haricots.
Et Je ramenais. à ma mère.
Je lui vendais au prix que je payais.
Et ce qu'elle ne prenait pas.
parce que je ramenais beaucoup. je pouvais le vendre aux voisins.
Et j'ai vendu aux voisins avec un petit bénéfice.
Ce petit bénéfice me permettait de louer une périssoire
parce que j'ai nagé beaucoup et...
Vous savez ce que c'est une périssoire ?
Très étroit. une pagaie.
C'est-a-dire que vous passiez ?...
Est-ce que le fait ?...
Je n'ai pas terminé !
Non. je comprends. Alors. allez-y !
En 42. nous étions les seuls.
Tout le monde était parti...
des Juifs. Ils étaient partis en Amérique.
Aptroth était parti. Il y avait une cousine Aptroth qui est restée.
Une Demoiselle Frei Van Hazeult.
qui était une cousine des Aptroth
et qui est restée avec nous.
Non seulement à Bandol. mais. plus tard. aussi. Et elle a beaucoup aidé ma mère.
Vous a-t-on mis en garde ?
Le fait d'aller acheter chez les paysans ?
Mais. est-ce que vous ne viviez pas
avec des tickets d'alimentation. malgré tout ?
Avec des tickets de ravitaillement ?
Oui. Mais ça suffisait pas !
Je suppose. Mais de quelle façon ?
Avec les cartes d'identité ?
Vous étiez ? De quelle façon ?
Vous veniez de Belgique ?
Comment avez-vous eu des ?...
Des cartes d'identité ? On a reçu !
C'est à dire ? Des cartes d'identité françaises ?
Pardon ! Des cartes d'alimentation.
Pas des cartes d'identité.
Je me suis trompé. Les cartes d'alimentations se relevaient
qu'avec la carte d'identité.
C'est ma mère qui s'en occupait.
Moi. je ne sais pas.
Je vous ai dit :. "Je suis étonné que je n'étais pas curieux"
"quand j'étais petit".
Parce que. qui allait au ravitaillement ?
À part le ravitaillement. chose importante.
on allait chez les paysans.
mais on allait aussi en ville ? Alors. ma mère est tombée deux fois évanouie.
quand elle faisait la queue.
Il y avait des poissons. mais pas beaucoup.
Il y avait une dame. de la famille des pêcheurs.
que l'on nommait "La grosse patte Louise".
Elle venait apporter à ma mère.
Là où on habitait. On habitait Villa Pergola.
dans son tablier crasseux. plein de petits poissons.
elle apportait ça à ma mère.
parce que nous étions des réfugiés.
J'ai vu. à l'époque Raimu. attablé. en train de boire .
Et vous le connaissiez comment Monsieur Raimu ?
Et bien. tout le monde savait : "ça a c'est Raimu". Vous saviez que c'était qui ?
Un personnage important du cinéma.
Vous aviez vu des films de Raimu ? Plus tard .
A Vic-Fezensac. Vous l'aviez vu. lorsque vous étiez en Belgique ?
Non. A Bandol.
A Bandol. vous alliez au cinéma ?
Je ne me rappelle pas de cinéma.
Alors comment avez-vous reconnu Monsieur Raimu ?
C'était qui. Monsieur Raimu ?
Et bien. tout le monde savait : "ça c'est Raimu".
Vous me demandez trop.
Il y avait beaucoup de soldats allemands.
mais qui étaient en convalescence à Bandol.
Je me rappelle. il y avait un officier
qui les faisait courir. remonter la pente.
le bord de la mer. monter et descendre.
Je voyais les soldats...
À ce moment là ? Mais qui travaillaient pour vous entretenir ?
Ma mère allait de temps à autre à Marseille.
À Marseille. il y avait le consulat belge
qui distribuait un peu d'argent. pas beaucoup.
Comment est-elle arrivée à passer la ligne de démarcation ?
Nous sommes arrivés à Bandol en septembre 40.
Il n'y avait pas de ligne de démarcation
entre Vichy et Bandol.
Oui. mais après ?
Laissez-moi parler.
Bon. je vous en prie.
Quand j'ai eu ma Bar Mitsva...
Déjà. avant. mon oncle est parti
et il m'a laissé un Shoffar.
Et comme j'allais avoir 13 ans.
je suis allé à la forêt.
et je me suis exercé à sonner le Shoffar.
Alors j'ai fait 2-3 coups.
Et puis je suis allé 100 mètres plus loin
parce que j'avais peur. On va me dénoncer
que je transmets quelque chose aux Anglais.
Je ne sais pas. moi.
Et c'est comme ça que j'ai appris à sonner le Shoffar.
J'ai sonné le Shoffar l'été-automne 42. pour ma famille.
pour mon grand père. ma grand mère. ma mère. etc.
J'allais souvent à la forêt
parce que ma mère n'avait pas de bois
pour préparer à manger.
Excusez moi. mais...
Le fait de vivre dans cette époque tragique ?
Qui fournissait les fonds pour vivre ?
Alors je vous dis. Alors.
Un : il y avait un consulat belge où ma mère recevait une somme.
Je ne sais pas combien.
Il y avait mon oncle. si longtemps qu'il était là.
Il donnait à ma mère.
et il a laissé une certaine somme.
Ma grand mère tricotait pour des gens.
Et Mademoiselle Frei Van Hazeult.
une dame âgée. avait des pièces d'or qu'elle a prêté.
tout le long de la guerre. à ma mère.
aussi bien à Bandol que plus tard à Vic-Fezensac.
et ma mère a pu le lui rendre après la guerre.
parce qu'il y avait une assurance vie de mon père
qui était aux Etats-Unis.
Et elle a pu rendre ces pièce d'or.
Quelle est la. ou les raisons
qui vous ont obligé à quitter Bandol ?
Attendez !
Je vous ai dit que j'achetais des légumes et des fruits
chez les paysans mais je suis aussi. une fois. allé travailler
dans un village qui s'appelle Le Beausset.
chez un propriétaire de pêche et d'abricot et de pêches-abricots.
J'ai travaillé là-bas et j'ai reçu un salaire.
Un beau jour. après. plus tard.
il y a une carriole tirée par un cheval
qui est venu à la villa "La Pergola"
et qui a demandé : "Schreiber. où est-ce qu'il est ?"
Et ma mère a tremblé de peur.
C'était le patron de là où je travaillais.
Qui est venu apporter deux grands cageots de fruits.
Parce qu'il a été content de mon travail.
Vous demandez comment on vivait ?
Alors je vous...
Le bois...
Quelles sont les circonstances
qui vous ont amené à quitter Bandol ?
Attendez !
Aux heures de midi. souvent. j'allais à la forêt
ramasser du bois mort pour chauffer. pour faire la cuisine.
J'étais l'aîné de la famille.
Les autres ne se sont pas tellement occupés de ça.
Entre-temps. j'ai une sœur qui a eu la scarlatine.
Assez grave. et ma mère a demandé...
Nous avions une tante. sœur de mon père. à Zurich.
Et. via la Croix-Rouge. ma sœur. ayant eu la scarlatine.
a pu aller. pour quelques semaines.
quatre ou six. en Suisse. en convalescence.
Et ma tante. Flora Actuarius.
a réussi à garder cette sœur jusqu'à la fin de la guerre.
Ce qui fait que c'était un souci en moins pour ma mère.
Et qui a amené votre sœur en Suisse ?
Croix-Rouge.
La Croix-Rouge ? Organisé.
La France organisait. avec la Suisse. des voyages
pour des enfants sous alimentés. en Suisse.
Mais ils revenaient en France au bout de quatre ou six semaines.
Alors que ma sœur a pu rester grâce à ma tante.
Donc euh ?... Je continue. À Saint-Cyr. il y avait la gendarmerie pour Bandol.
Je ne sais pas pourquoi.
Et. celui-là. il était pas gentil avec ma mère.
Il avait le papier la table.
Il devait leur remettre seulement le lendemain et ma mère.
Un papier ? Je ne sais pas.
Et ma mère. elle a du faire les 9 kilomètres. le même jour. à pieds.
Je ne sais pas pourquoi.
L'été 42. à peu près en août.
là. on a arrêté des Juifs qui étaient de Pologne.
de Hongrie. de Tchécoslovaquie. soit disant ...
À Bandol ? Qui étaient à Bandol ?
À Bandol.
"Il n'y a plus de zones de combat dans ces pays !"
"Il n'y a pas assez à manger. en France !"
"Que chacun retourne dans son pays !"
Ce qui était très logique.
Et donc on a arrêté un Monsieur.
je ne me rappelle pas le nom.
et sa femme est venue se cacher chez nous.
à la villa La Pergola.
Et le lendemain. ma mère a dit :.
"Écoute. on est Juif aussi.
Je regrette." "Je peux pas te cacher plus longtemps."
Je ne sais pas qu'est ce qui est arrivé.
mais ça. je me rappelle.
C'est la première arrestation dont je me rappelle
Août 42.
La première arrestation dont vous avez été le témoin ?
Non.
Ce Monsieur n'habitaient pas chez nous.
C'est à dire quand vous dites la première arrestation ?
Vous les avez vu ? Non.
J'ai vu cette dame qui est venue se cacher chez ma mère.
C'est tout.
Mais vous ne les avez pas vu être arrêtés ?
Non. C'est-a-dire...
Comment l'avez-vous su ?
De ouï-dire ?
Euh ? Vous l'avez su de ouï-dire ?
J'ai vu cette dame qui est venue chez nous !
Et après ?
Après. elle est partie. Et comment avez-vous su qu'elle avait été arrêtée ?
Parce qu'on l'a dit ! J'étais à la maison ! Aujourd'hui. je n'entends pas bien. mais à
l'époque. oui.
Le fait que cette femme a été arrêtée ?
Est-ce que vous avez un signal ?
Quelque chose qui vous dit : "il vaut mieux ?..."
Moi ? Non.
Ma mère ?
Oui. Et ça se passe comment ?
Ma mère allait souvent à...
souvent. pas...
mais... À Marseille. il y avait un restaurant Freint.
un restaurant juif. et je suppose que c'est là-bas qu'elle a rencontré des gens.
À quelle date ?
Je ne sais pas. Ça doit se situer probablement entre août 42 et décembre.
1er décembre. Il y avait un Juif qui s'appelait Rudel.
et qui avait. à Pujaudran...
Pujaudran est. à peu près. 30 km à l'Ouest de Toulouse.
Il avait un moulin pour moudre du grain.
Et quand il fallait se déclarer la religion.
ma mère a déclaré. à Bandol : "Juif".
Lui. il a déclaré : "Orthodoxe".
Ce qui était vrai !
Mais les Français. ils ont compris autre chose :.
Grec Orthodoxe. Et je suppose que c'est. via lui.
que ma mère a entendu que dans le Gers. il y a à manger.
Il y a un village ou ville. Vic-Fezensac.
Et à 12 km - 14 km à l'Ouest. il y avait un village. Dému.
où un cousin du Loubavitch Rebbe avait un Home d'enfants.
Ce Home d'enfants était d'abord dans la région de Marseille
et après. ils se sont installés à Dému.
Comme Vic-Fezensac n'avait pas beaucoup à manger...
euh... n'avait pas d'eau ! qu'est-ce que je raconte !
N'avait pas d'eau. pas de gaz.
En ville il y avait de la lumière.
Je me rappelle que ma mère est allée voir Vic-Fezensac.
Elle nous a envoyé une carte postale :
"Ici. les gens font la queue pour de l'eau et on parle de football".
Si l'on parlait de football en faisant la queue.
c'est qu'il y a à manger.
Parce qu'à Bandol. les gens ne parlaient que de bouf.
Les habitants de Bandol étaient fâchés contre les Macaronis
"qui viennent manger notre pain".
contre les Parigots
"qui venaient. avant. dépenser leur argent. et maintenant."
"ils ne viennent pas dépenser leur argent. ils mangent notre pain."
La mentalité à Bandol était quand même différente
que celle que nous avons eu. plus tard. à Vic-Fezensac.
Le fait que votre mère puisse voyager librement ?
Est ce que y avait eu une forme de crainte ?
Dispersée dans la famille. elle s'en va ?
Personne ne s'en inquiète !
Non.
A ce moment là ? Non.
Nous sommes en 1942.
On peut voyager facilement ?
J'ai encore beaucoup à raconter mais je vais terminer
parce que je vois que vous êtes pressé.
Pas du tout !
Le 8 novembre 42. les Américains ont débarqué
au Maroc et en Algérie.
Le 11 novembre. les Allemands ont franchi
la ligne de démarcation entre la zone "nono". non-occupée.
et le haut.
Et sont arrivés au bord de la mer Méditerranée.
Là. il y avait des Allemands avec armes et bagages.
Je me rappelle que j'ai admiré l'ordre des camions.
où il y avait tout le matériel d'entretien.
Pour autos. tanks. pour tout ce que l'on voulait.
J'ai admiré ça.
Et ma mère. donc. ne voulait pas rester.
C'était trop dangereux.
Au bout de quelques jours. ils sont entrés à Toulon.
Et la flotte. en partie. s'est sabordée.
Une partie s'est enfuie.
Et ça s'est passé.
Je suppose vers le 20-25 novembre.
Vous le saviez de quelle façon ?
Euhm ?
Comment l'avez-vous appris que la flotte s'était sabordée ?
Entendu après.
Je n'ai pas entendu le bruit.
Non. Non. Mais du fait que ?...
Et bien les gens en parlaient ! Mais ça voulait dire quelque chose pour vous ?
Une flotte qui se saborde ? Ce qui voulait dire quelque chose pour ma mère.
c'est la présence de soldats allemands armés.
Donc ?
On est allé à Vic-Fezensac. le 1er décembre.
On n'a pas demandé...
Il fallait un laisser-passer pour voyager.
Ma mère n'a pas demandé.
On est allé. je me rappelle. on est arrivés en train à Toulouse.
Il faisait froid.
On n'avait pas où aller.
On avait peur d'aller dans un hôtel ou quoi.
Et on attendait le bus qui allait jusqu'à Vic-Fezensac.
A Toulouse. y avait-il. sur le quai de la gare. des Allemands ?
Peut être. Je ne me rappelle pas.
Je sais seulement qu'on avait peur.
À part le froid. on avait peur.
Fallait pas...
On espère qu'on puisse avoir le bus.
On a pris le bus. Avez-vous pris conscience que le fait d'être Juif.
ça devenait dangereux ? Oui.
Ma mère n'a pas demandé de sauf-conduit.
Vous allez sans sauf-conduit ?
Donc. vous avez pris le train ?
Je ne sais pas si je savais ou si je subodorais.
Ma mère a mis trois enfants à Dému.
De suite. à Dému. au Home.
Je suis resté quatre semaines.
Ma mère est repartie chercher ses parents.
s'installer à Vic-Fezensac.
Au bout de deux semaines. elle a pris mon petit frère
qui pleurait toute la journée.
Et au bout de...
à peu près le 1er janvier.
j'ai quitté le Home de Loubavitch.
Et je suis allé habiter à Vic-Fezensac. 1er janvier 43.
Comment s'organise votre vie à ce moment-là ?
Je suis allé de suite à l'école.
J'ai encore le cahier.
C'est une agglomération.
Je crois. avec les paysans autour. il y avait cinq mille âmes.
En ville même. je ne sais pas combien.
Je suis. de suite. allé à l'école.
Chaque samedi. chaque lundi. je venais avec un papier :
"Veuillez excuser l'absence de mon fils. samedi"
"Il avait mal à la gorge"
"Il avait mal au nez"
"Il avait mal aux oreilles"
"Il avait mal aux poumons"
"Il avait mal aux cheveux"
Tout ce que vous voulez ! Mais chaque lundi. j'apportais un papier.
À un certain moment. un jour. je rêvais.
"Alors Raphaël. qu'est ce que tu fais ?
Tu rêves". "Tu attends le Messie ?" demande le prof.
Plusieurs élèves ont dit : "Oui Monsieur. il l'attend".
Tout le monde savait qu'on était Juifs.
Donc. les papiers que ma mère envoyait.
c'était pour le couvrir. lui.
Donc. les fêtes telles que Hanoucca. Pessah ?
C'était. du passé. pour l'instant ?
Non !
Comment avez-vous pu fêter Hanoucca à ce moment-là ?
Il y avait l'Union Générale des Juifs de France. UGIF.
des Israélites de France. à Toulouse.
Il fallait envoyer des cartes.
Il fallait prévenir à l'avance qu'on voulait des Matsot.
Et il fallait venir avec les tickets.
Et. aujourd'hui encore. je ne comprends pas comment ça se fait
que ma mère m'a envoyé. moi. à Toulouse.
dans la souricière de l'UGIF.
pour acheter des Matsot. Et le fait de voyager. comme ça ?
ça n'a éveillé aucun soupçon ?
Ma mère a été appelée en justice à Auch.
Parce qu'elle est venue à Vic-Fezensac sans autorisation.
Le juge lui a donné 100 francs d'amende
et lui a demandé de ne plus recommencer.
Point à la ligne. c'est tout.
Je recevais deux morceaux de sucre par jour parce que...
Je crevais de faim.
Un instant !
J'ai épargné les morceaux de sucre.
Je vous parle de Bandol.
Je reviens en arrière.
Ma mère a fait une compote
avec des pommes qu'elle a épluchées.
Les épluchures de pommes. j'ai cuit avec de l'eau.
et ce sirop. j'ai ajouté le sucre.
J'en ai fait de la confiture que j'ai envoyé à des gens à Gurs.
Le fait d'avoir parlé de l'UGIF ?
Vous parlez de la souricière ?
Pour quelle raison ? Vous l'avez appris bien après ?
Parce que au même moment. on ne savait pas
que l'UGIF était sous contrôle allemand ?
Si vous le saviez. qui allait dans ?...
Qui vous a envoyé à l'UGIF ? Un instant !
Je vous parle de 43 et de 44.
Mais l'UGIF était sous contrôle Allemand ?
Alors de quelle façon avez-vous appris cette souricière ?
Et qui a osé vous envoyer ?...
Monsieur !
En ville. avant la guerre. j'allais d'un endroit à l'autre.
Je ne marchait pas. Je courais.
Je courais toujours. Et je me rappelle que si on m'attrape à Toulouse.
je vais m'enfuir. Je sais courir.
Idiot ?
Un gamin ! J'avais déjà 13-14 ans.
Mais est ce que vous avez. en cas de pépin ?...
Quoi ? En cas de pépin ?
C'est-à-dire. en cas d'arrestation ou de contrôle ?...
Je m'enfuis !
Vous aviez une excuse ?
Vous aviez un mot. une réponse à quelque chose ?
Rien. Rien. Rien. Je vous dis.
Beaucoup plus tard. je me suis demandé
comment est-ce que ma mère a pu m'envoyer.
Il n'y avait pas d'huile.
Il y avait un épicier. à Vic. qui avait reçu des boîtes de cirage.
Mais comme il n'y avait pas de graisse.
Le cirage était dur comme une pierre.
Il allait le jeter. J'ai demandé : "Est-ce que je peux avoir des boîtes vides ?"
Il a dit : "Prends le tout".
Moi. j'ai pris des boîtes.
J'ai sorti le bloc noir qui aurait dû servir de cirage.
Au milieu. j'ai fait un trou.
J'ai acheté de l'alcool à brûler.
C'est du méthanol.
C'est pas à boire.
Et de la ouate.
J'ai fait. au milieu. dans le trou...
j'ai mis la ouate. C'est-à-dire : du coton ?
Oui. Du coton.
Et c'est comme ça. j'ai eu des bougies de Hanoucca.
Je crois. je peux me tromper.
que Pessah 43. nous n'avions pas de vin.
On avait 4 verres de thé.
Est-ce que c'était du thé ou pas ?
Je ne me rappelle pas.
Mais l'année d'après. j'avais fait du vin. moi-même.
On a eu du vin pour Pessah.
Et le fait de festoyer. par exemple ?
Comme Hanoucca ? Comme Pessah ?
Est-ce qu'on se souvenait des prières à ce moment-là ?
Vous aviez des livres de prière ? J'avais des livres de prière.
Ma mère a fait. Le voisin avait un moulin à main. On a moulu.
On a tamisé. Et pour Shabbat on a fait. ma mère a fait des petits pains.
Le pain était meilleur.
Le pain de ?...
du Shabbat ? la 'Hala ?
Petits pains pour Shabbat matin.
Alors ma mère voulait que mon petit frère fasse la Bera'ha.
Et le petit voisin qui s'appelait Durban.
Jean-Pierre Durban. que tu as connu vieux.
Il venait. parce qu'il jouait avec mon petit frère.
Et ma mère disait : "Dis la Bera'ha : Barou'h Ato Hashem..."
Mon frère ne voulait pas dire.
mais le voisin. il a gentiment dit la Bera'ha
parce qu'il voulait. aussi. avoir un petit pain.
Voilà.
Je me rappelle. un jour. ma mère...
Et la Matsa. comment l'avez-vous eu ? en 43 ? à l'UGIF ?
Oui.
Uniquement ?
Oui. En 43. je suis sûr que j'allais à Toulouse.
Mon grand père est mort. novembre 43.
J'étais dans le bus avec les Matsot.
Dans le bus.
Le bus s'est arrêté à Pujaudran.
Il y a quelqu'un qui appelle de l'extérieur : "Schreiber !"
J'étais dans le bus mais je ne pouvais pas bouger.
Et il m'a remis 6 Matsot Shmourot : "Pour ton grand-père".
Je ne pouvais pas sortir du bus.
On était serrés comme des sardines.
Vous me demandez ? Je vous réponds !
Mais lorsque votre père...
votre grand-père ?...
Oui. Étant décédé. comment pratique-t-on. dans ces conditions.
l'enterrement ?
la Shiva ? L'enterrement. je dois revenir plus tard.
Il y avait un Monsieur Robert Samuel.
Une famille avec 8 enfants qui était. à ce moment-là. à Dému.
Samuel était quelqu'un de l'Alsace.
Prof de chimie et physique au lycée. replié à Toulouse.
et qui a perdu son job en été 42.
Il est allé à Dému.
Je vous raconte plus tard.
C'est lui qui a fait la Tahara avec...
Il y avait quelques Juifs à Vic-Fezensac.
Moi. je n'ai connu que deux hommes de la même famille.
deux sœurs. des beaux frères et une dame.
Après la Libération. des gens sont venus nous dire :
"Vous savez. Madame. ces gens. c'est aussi des Juifs."
"Et celui là. c'est aussi un Juif."
Ma mère ne savait pas.
Moi. je ne savais pas.
Le shabbat à Vic-Fezensac.
j'allais me promener avec mon grand-père.
Je parlais avec lui l'allemand.
Il avait une barbe.
Il avait une Kippa. Et personne n'a dit un mot.
Et comment s'est passée l'enterrement ?
Il a été enterré au cimetière de Vic-Fezensac.
à un coin. au bord d'une ligne.
Il y avait une Madame Escoubes.
J'ai travaillé un certain temps chez ces paysans.
Je vous raconte après.
Elle a entretenu la tombe.
Et. à peu près en 1970...
à peu près. Mais je peux regarder
parce que j'ai des photos avec des dates.
On est allés là-bas avec une auto et j'etais...
Il y avait un Monsieur qui faisait...
il vidait les toilettes.
Parce qu'il n'y avait pas de toilettes là-bas . Il n'y avait pas d'égouts.
Il faisait les enterrements.
Je m'étais informé. D'abord. j'ai appris les Dinim.
Comment ça se passe ? Qu'est ce qu'il faut faire ?
J'ai parlé avec Rav Rottenberg. chez qui j'apprenais. à Anvers.
Et qui m'a dit quelques points que je n'avais pas compris
et j'ai compris que si on laisse faire des Juifs un enterrement.
ça se passera pas. ni convenablement. ni d'après la loi juive.
Alors j'ai pris ça sur moi.
On a enlevé la terre où mon grand-père était enterré
et quand la terre a changé de couleur.
j'avais. une bière. en zinc.
On a mis les restes.
C'était mon grand-père parce que. en bas.
il y avait encore un morceau de Talith qui n'a pas été...
Vous parlez du retour ?
En 1970. à peu près.
Le retour de ses cendres ?
Enfin. de ses restes ? Oui. Mais je parle.
.. j'ai demandé...
Comment s'est passée l'enterrement à ce moment-là ?
On l'a enterré en privé.
C'est-a-dire ? Qui l'a pris ? En charrette ?
Une voiture ?
Ça s'est passé de quelle façon ? Probablement une charrette.
parce qu'il n'y avait pas de voiture.
Mais qui a fait la ?...
Qui a lu le ?... La Tahara. c'était Monsieur Samuel avec encore un Juif.
Un de ses deux beaux-frères.
Et Shiva. on peut être assis.
Faut rien faire. Il n'y avait pas de Minyan. mais...
Donc l'année s'achève de quelle façon ?
L'année de 1943 ?
43 ?
Disons. début 44 ? Y a-t-il un changement ?
Y a-t-il une amélioration dans votre mode de vie ?
Vous m'avez parlé d'avoir travaillé chez Madame Escoubes ?
Non. c'était Garet. c'était la fille Escoubes.
J'allais à l'école.
Le jeudi. j'allais déjà travailler.
Je ne me rappelle pas quoi. à ce moment-là.
La mentalité. l'air de la rue avait changé.
Les Américains avaient débarqué.
En 42.
Fin 42. Rommel reculait devant Montgomery
. Non mais ça vous parlez d'Histoire. Un instant !
Je lisais les journaux. Les Allemands étaient coincés devant Stalingrad.
Ceux qui admiraient les Allemands c ommençaient à entrevoir
que l'Allemagne va peut-être perdre la guerre.
On sentait le ton des gens.
Vous parlez de 1944. par exemple ?
L'année du Débarquement ? De quelle façon cela vient à vos oreilles ?
L'année de 1944. vous aviez le débarquement en Provence ?
Vous avez le débarquement ?...
Ca c'était 15 juillet 40.
6 juin. Normandie.
De quelle façon cela vient à vos oreilles ?
6 juin. très vite.
Là. le débarquement en Provence.
je ne me rappelle pas comment est ce que j'ai appris.
Vous m'avez dit que vous lisiez les journaux. donc ?...
Oui. Je me rappelle Tobrouk. El Alamein. Bengazi. tout ça.
L'été 43. j'ai travaillé chez une famille Garet.
Il y avait un Monsieur et Madame Garet.
Une fille veuve. Escoubes.
(...) Le cadre ?
Ma mère a choisi à Vic-Fesensac. pour habiter. au bout du village.
On était l'avant dernière maison adossée à une colline.
Le rez-de-chaussée. en-bas. aurait pu servir comme cuisine.
Premier étage. donnait de plain pied au jardin et aux vignes
et aux champs derrière.
Comme ça. si jamais il y a une alerte.
on peut s'enfuir. par derrière.
Donc. vous sentiez qu'il y avait un danger dans l'air ?
Elle a choisi aussi Vic-Fezensac
pour que j'apprenne. le jeudi. à Dému.
et le dimanche. à Dému. Torah. Hala'ha. etc.
En fait. à ce moment-là. j'avais encore un vélo.
Je suis allé chaque jeudi.
J'ai échangé des "Mickey" et des "Hop-là". probablement.
Je n'ai rien appris. Personne ne s'est occupé de moi.
Ils sont d'ailleurs partis avant Pessah 43 pour aller à Voiron.
où il y avait les Italiens.
Et c'était un domaine.
Un château avec 48 hectares.
480 Dunam :
forêts. landes. vignes. étangs. tout ce qu'il fallait.
Et plus tard est venue une famille Samuel.
ce prof.
de physique-chimie.
et qui s'est installée là-bas.
qui était un Sho'het Hofot. dont on a profité. un peu.
et chez qui j'ai travaillé pendant plus d'un an.
quand il était à Dému.
En qualité de quoi ?
Euhm ? En qualité de quoi. vous avez travaillé ?
Il était question d'ouvrir une Harshara.
et j'étais le premier et le dernier.
Comme moi. j'avais déjà travaillé chez un paysan.
J'étais le Moum'hé Hagadol.
"Harshara"? Vous entendez. dans le sens de l'agriculture ?
Oui.
C'était "In" à l'époque.
Pour un Juif. Pour aller. après. en Israël.
Qui devait ?
C'est ça !
C'était donc planifié avec la So'hnout ?
Rien !
C'est-a-dire une "Harshara" dont les élèves devaient être qui ?
Des Juifs.
Des Juifs qui cherchaient à se planquer.
Donc. il y avait une infrastructure. c'est à dire des chambres ?
C'était un château.
Il y avait encore deux employés réfugiés espagnols.
Il y avait deux vaches et quatre bœufs.
Je vais déjà en avance.
On a vendu. au fur et à mesure.
On est resté avec deux vaches qui travaillaient.
qui ne donnaient plus de lait. alors.
Et comme moi. je savais combien d'œufs.
on peut mettre sous une poule pour couver.
traire une vache et mettre un joug
sur une paire de bœufs pour travailler.
J'étais déjà en avance
par rapport à ce Monsieur Samuel et ses enfants.
Je voudrais revenir à Vic-Fezensac.
Comment est-ce que ma mère savait qu'il fallait se cacher ?
Des fois. il y avait une alerte.
Et ma mère...
Excusez-moi : une alerte aérienne ou une alerte ?...
Pour des Juifs.
Mes grands-parents sont allés chez le voisin Durban.
Mon grand-père. ma grand-mère chez le voisin Durban.
En été. nous allions à 4 km. parmi les vignes.
où Durban. le voisin. avait une maison.
où l'on pouvait laisser les bœufs.
Il y avait. en gros. du foin.
On a dormi dans le foin. en-haut.
Et le lendemain matin. on s'informait :
"Est-ce que c'est calme ?"
Vous vous informiez auprès de qui ?
Le voisin ou quelqu'un que je voyais.
On rencontrait. quand même. un peu de gens.
On vous disait : "Non. tout est calme". C'est-à-dire. par rapport à quoi ?
"Y'a rien eu". "Rien de spécial".
"Rien de spécial" ?
Je suppose.
En hiver. on allait chez Garet
qui était à peu près à 2 km du village.
Là-bas. c'était chauffé.
Je ne me suis pas demandé. à l'époque.
d'où est ce que ma mère savait qu'il y avait une alerte ?
Ce n'est que récemment. enfin. il y a quelques années...
Il y avait à Toulouse un préfet alsacien replié à Toulouse
qui avertissait par codes. au téléphone.
qu'il y a des Allemands ou des Miliciens
qui font une opération dans la région.
Mais vous n'avez jamais été inquiétés ?
Soit dans un contrôle ?
Surtout dans les bus et dans les autocars ?
Attendez !
Par les miliciens ?
Il laisse pas parler. Non. mais je vous pose la question ?
Un Shabbat matin.
Attendez ! Je vous pose la question afin de comprendre ?
Oui. parce que je peux oublier. c'est vrai !
D'ailleurs Alzheimer...
Un Shabbat matin. j'étais en train de prier. Sha'harit.
A quel endroit ?
Hein ? A quel endroit ? Dans notre maison. à Vic-Fezensac.
Et ça. c'était en 43.
Quand il y avait déjà le Service du Travail Obligatoire.
Le S.T.O.
Et je vois le bus arriver de Toulouse.
Je vois par la fenêtre. le bus arrêté.
On fait descendre tous les gens communistes.
après. j'ai entendu les gens qui l'ont dit.
Qu'est ce qu'on cherchait ?
Communistes. Juifs et réfractaires au travail.
Une fois qu'ils ont inspecté tous les gens sortis du bus.
le bus a pu partir.
Ils ont frappé à toutes les portes de la rue.
Comme c'était Shabbat matin.
on n'était pas encore levé pour sortir.
La porte était fermée en bas.
Ils ont frappé. On n'a pas ouvert.
Ils sont allés chez les voisins.
Personne n'a dit que nous étions Juifs.
Voilà un exemple.
Je sais. ça j'ai entendu. déjà. pendant la guerre.
la gendarmerie est venue chez ce couple de famille.
qui était en famille avec le restaurant juif de Marseille.
Le gendarme est venu :
"Sachez que demain matin. on doit venir vous arrêter"
"Vous avez compris. Hein ?"
A vous ? Pas à nous. Ces deux familles.
Ils ont emprunté mon vélo. entre autres.
J'étais furieux parce qu'on me l'a rendu crasseux et sale.
Mais on les a prévenus.
Ils sont venus. "Ils ne sont pas là.
Voila". Ils ont fait le rapport : "Pas de Juif".
Comment pouvez vous expliquer que personne ?...
Laissez-moi parler. Non. mais je voulais poser la question ?... On avait sur la carte
d'alimentation : "Juif".
A la mairie. on a demandé : "Venez un peu avant midi".
Ma mère est venue avec les cartes d'alimentation.
Il a dit : "Écoutez. maintenant. j'ai pas le temps de remplir".
"Laissez les cartes ici.
Vous revenez à 2 heures".
Entre temps. il a fait le tampon "Juif" si faible
que si on ne cherchait pas. on le voyait pas.
Et c'est pour ça qu'il a eu le temps.
aux heures de midi. de faire un tampon faible.
Vous me demandez ? Tout le monde savait.
Personne ne nous a dénoncé.
Posez une questions.
Vous alliez me dire que vous saviez déjà.
Je vous laisse parler.
Merci. Nous avons eu une vie relativement meilleure.
bien meilleure qu'à Bandol.
Les gens étaient gentils.
C'est vrai qu'ils ont des courses landaises
et encore aujourd'hui. il y a des corridas
comme on a fait récemment à Vic-Fezensac.
Les gens sont. quand même. gentils.
Les dames allaient à l'église.
Je sais que le curé de Vic-Fezensac a parlé en faveur des Juifs.
Je savais. mais ce n'est que plus tard
que je me suis rendu compte.
que Saliège. l'évêque de Toulouse. a parlé en faveur des Juifs.
Je me rappelle avoir entendu le pape. à Noël. parler.
Et je ne me rappelle pas les mots.
Vous aviez une radio ? Non.
Chez les voisins.
Je ne me rappelle pas les mots.
mais c'était dans le genre de :
"ceux qui meurent à cause de leurs convictions".
Mais ça pouvait être le soldat Allemand comme le Juif.
Il n'a pas prononcé le mot "Juif".
Rien. Pas un mot.
C'était vraiment un diplomate.
Vous pouviez comprendre ce que vous vouliez.
Ca. je me rappelle encore.
Il l'a fait en quelle langue ?
Il l'a fait en italien ?
Y avait la traduction en français. probablement.
Ça. je me rappelle ça.
Les gens. vraiment...
quand on pouvait nous aider. on l'a fait.
Le gendarme. je vous raconte. Garet. Durban ...
J'étais à l'école.
Je reviens l'après midi.
Et un garçon.
Sainctavit. il s'appellait.
"Mes parents... "La BBC a annoncé aujourd'hui
qu'il y aurait des rafles sur les Juifs".
"Mes parents ont dit"
"Vous pouvez venir vous réfugier chez nous".
Je l'ai remercié.
J'ai dit : "Nous avons où nous cacher".
Plus tard. sa mère a été...
Ils ont fait des parachutages d'armes.
C'étaient des communistes.
Ca j'ai appris après la guerre.
Et le camarade de classe était parti.
Ils ont pris la mère. La mère était à Ravensbrück.
En revenant. elle n'est même pas arrivée à la maison.
Elle est morte en chemin. à Lyon.
Vous parliez de vos voisins ?
Vous écoutiez la radio ?
Vous avez entendu la radio
et vous venez de me dire que vos voisins ont été arrêtés.
Arrêtés ?
Moi j'ai dit que les voisins ont été arrêtés ? Les gendarmes étaient venus à la maison
leur dire departir.
C'est ça ? Non ?
J'ai dit que Miliciens ou Allemands. Miliciens et Allemands.
après le bus. ont frappé à chaque porte.
Parce qu'il cherchaient.. Et ce Sainctavit.
le père était un communiste. probablement.
Et il s'est caché.
et on a pris la mère. Vous étiez encore dans ce village ?
Enfin. dans cette petite ville ?
Vous étiez donc à ?...
Vic-Fezensac.
C'est ça.
Vous étiez encore là-bas. n'est-ce pas ?
Il y avait une rue des Juifs là-bas.
Semble-t-il qu'au Moyen-Âge.
Vic-Fezensac était un passage commercial.
Il y avait des Juifs.
Donc. vous finissez l'année 1943 ?
Comment se déroule le début de l'année 1944 ?
A partir de l'été 43. à peu près Roch Hachana.
jusqu'à 44. même époque.
j'ai travaillé chaque dimanche.
J'allais. au début. à vélo. après. à pieds.
parce qu'il n'y avait pas de caoutchouc
pour les pneus et les chambres à air.
14 km. au château de Seignebon.
là où il y avait. avant. Loubavitch.
et maintenant. la famille Samuel.
et je travaillais là-bas.
Comme quoi ?
Vous m'avez dit ? Je labourais.
Je savais mettre un joug sur les bœufs.
Je fauchais l'herbe.
Je plantais du maïs.
On allait chercher l'eau à une mare où il y avait de l'eau potable.
On coupait du bois.
Il y avait à faire. Un jour. arrive une auto allemande.
Parce qu'on avait peur. déjà.
quand on entendait pas de bruit.
Parce que les gazogènes faisaient plus de bruit
que les autos allemandes.
Il y a quatre officiers Allemands qui sortent.
Madame Samuel me dit : "Va vite dire à Jean-Jacques"
un de ses fils "de ne pas venir à la maison"
il était occupé à quelque chose
"et dire à mon mari qu'il ne rentre pas"
Alors. je suis sorti.
Je suis allé dire.
C'étaient quatre officiers qui avaient demandé au village :
"Qu'est-ce qu'il y a comme curiosité ?"
On leur a dit : "le château de Seignebon".
Ils ont fait le tour de la maison.
Ils ont pris des photos.
Ils sont repartis.
C'est tout.
Pour vous dire. On avait peur.
Plus tard. C'est-à-dire. plus tard ?
ça se situe à ?... Je réfléchis ! En 44. je suppose.
Se sont installés des Résistants.
Dans une partie du château. ils avaient leur logement.
Ils avaient pris deux collaboratrices
auxquelles ils ont coupé les cheveux. tondus.
qui devaient leur faire la cuisine et le ménage et leur linge.
Attendez. Vous parlez de 1944 ?
Et vous dites. "de deux collaboratrices" ? C'est-à-dire. c'était bien après la guerre.
alors à ce moment-là ? C'était après la Libération ?
Non.
On n'était pas libérés !
Mais le fait d'avoir tondu ces ?...
J'ai compris plus tard que ces deux dames. on les attrapait.
"Amie des Allemands ou de la Milice" par exemple.
Oui. mais ça ne pouvaient se faire
qu'à partir de la Libération de la France ?
Un jour. ma mère est venue me visiter. moi.
On l'a pas laissée entrer.
À peu près à un kilomètre et demi du château
il y avait un des Résistants qui l'a pas laissée passer.
Alors. il a fallu que je vienne dire :
"C'est ma mère et il n'y a pas de danger".
"Elle peut entrer au château".
On était. je dirais. protégés par des Miliciens...
des Résistants.
Ils partaient en camion. armés.
Des fois. ils venaient avec un blessé.
Des fois. le blessé venait deux-trois semaines plus tard.
parce qu'il était. quelque part. à l'hôpital.
On avait peur d'eux.
Dans quel sens ?
Ceux qui jouait un petit peu à la mitraillette.
Un jour. il y avait le costume de bain de Madame Samuel
qui pendait à sécher.
Il a été percé. Elle avait huit gosses ; famille nombreuse.
Mais on s'entendait bien avec les Résistants.
Et à partir de quel moment. de quelle date ?
Y a-il eu la Libération de cette région ?
Et bien. le mot "Libération" c'est difficile à dire.
Puisqu'il n'y avait pas d'Allemands. de toute façon.
La route Dému. entre le château et Dému. était coupée.
C'est-à-dire qu'une partie de la route avait sauté.
On pouvait passer à pied. à vélo. avec une vache.
mais pas avec une auto. Est-ce qu'il y a encore la guerre ou pas ?
Vous saviez qu'il y avait encore la guerre ?
Ou. pour vous. c'était terminé ? Pour vous. à quel moment la guerre s'est terminée ?
Le débarquement du 6 juin.
Mais même avant. il n'y avait pas d'Allemands.
Oui. mais à partir de quel moment. vous vous êtes dit ?...
A quel moment avez-vous décidé de retourner à Antwerpen ?
Bon.
En décembre 44. je suis allé à Limoges.
où il y avait une école juive. du Rabbin Deutsh.
Je suis resté là-bas jusqu'à l'été 45.
Retourné à Vic. Et deux mois. trois mois plus tard.
on est allé en Belgique.
Parce que. quand moi j'étais à Limoges. Printemps 44.
Anvers était encore bombardée par des V1 et des V2.
Surtout des V1. alors on n'est pas encore rentrés à Anvers.
Vous êtes revenu en 1945. vous m'avez dit ?
Septembre. à peu près. septembre 45. oui.
Comment avez-vous repris le cours de la vie normale. après 45 ?
Je suis allé travailler dans un bureau.
Un bureau de quoi ?
D'abord chez mon oncle.
Il n'y a pas grand chose à faire.
Et puis dans un bureau d'un importateur de café.
Alors. une fois par mois. parce que comme tout était rationné.
alors il y avait un contingent. une fois par mois.
une fois par mois il y avait des factures à faire.
Et sinon. il n'y a pas grand chose à faire.
Et bien. Monsieur Schreiber. je vous remercie de votre témoignage.
puisque vous êtes arrivé en Belgique.
Qu'est ce que j'ai encore oublié ?
Vous n'avez rien oublié. Vous vous êtes marié. à quelle époque ?
Les gens étaient très gentils
et on était occupé avec nos problèmes.
Je suis atteint de procrastination.
C'est-à-dire. vous remettez tout au lendemain ? C'est peut-être ça.
C'est peut-être parce que je n'avais pas d'argent.
Je n'avais pas encore soufflé.
Que j'ai pensé très tard. grâce à ma fille Léa. d'écrire.
J'ai écrit : "souvenirs et témoignage".
Ça faisait trois pages.
J'ai envoyé ça à Vic-Fezensac en demandant de publier ça.
à mes frais. dans un journal local.
Alors. ils m'ont dit :
"Écoutez. pourquoi est-ce que vous ne viendriez pas chez nous ?"
"On vous organisera une réunion".
Et c'est ce qui est arrivé.
La première fois qui était là ?
Toi ?
Joël et toi ?
Alors. il y a eu une réception. et j'ai parlé.
Il y avait combien ? Vingt cinq personnes ?
Tu crois plus ? Et puis on a fait une demande pour Yad Vashem.
Et. deux ans plus tard. on est revenu.
On a distribué les médailles aux familles Durban et Garet.
où j'ai tenu encore une fois un petit discours.
Et dans ce petit discours. entre autres. qu'est ce que j'ai dit ?
Non seulement il fallait remercier
les grands parents Durban et Garet.
mais peut être encore plus leurs enfants
qui. eux. avaient des petits enfants. jeunes.
et qui pouvaient trembler pour leurs enfants.
Deuxièmement. je remercie tout Vic-Fezensac.
parce qu'il suffit d'une personne
pour que la catastrophe nous arrive.
Tout le monde savait.
Personne n'a parlé.
Et j'ai encore ajouté une phrase.
Je ne me me rappelle pas très bien la phrase. "À une époque où ceux qui auraient
dû nous montrer la voie
se sont tus..."
Je pensais au Pape. et à Pétain. etc.
J'ai tourné la phrase assez diplomatiquement.
Ça. c'était le deuxième petit discours.
Bien. Monsieur Schreiber. je vous remercie de votre témoignage.
Bon. Maintenant vous pouvez poser des questions. C'est vous qui avez répondu.
Quoi ?
Vous avez répondu.
Merci beaucoup. Vous n'avez plus de question ?
Non. Pas à ce sujet.
Qu'est ce que j'ai oublié ?
עדותו של רפאל שרייבר יליד 1929 Antwerpen, בלגיה על קורותיו במלחמה בן למשפחה דתית; רקע משפחתי; לימודים בבית הספר היהודי תחכמוני; פרוץ המלחמה ב־1940;בריחה לצרפת; חיים במשך שנתיים ב־bandol וב־Vic Fezensac; חיים ב־Vic Fezensac, וב־Demu; חיים יהודיים; שחרור; חזרה ל־Antwerpen; החיים אחרי המלחמה.
מספר פריט
13810275
שם פרטי
רפאל
שם משפחה
שרייבר
תאריך לידה
19/07/1929
מקום לידה
Antwerpen, בלגיה
אופי החומר
עדות
שפה
French
חטיבה ארכיונית
O.3 - עדויות יד ושם
תקופת החומר מ
01/01/2020
תקופת החומר עד
01/01/2020
מוסר החומר
שרייבר רפאל
מקור
כן
קשור לפריט
O.3 - עדויות שנגבו בידי יד ושם
סוג עדות
וידאו